Le 24 avril 1915, l’arrestation des élites arméniennes (plus de 200 intellectuels arméniens) à Istanbul et à travers toute la Turquie marque le début officiel du génocide.
A l’approche de cette date particulièrement importante pour tous les Arméniens, nous avons souhaité donner la parole à Iréne, notre partenaire arménienne afin qu’elle s’exprime sur l’importance de la reconnaissance du génocide par la Turquie.
Un devoir de mémoire et d’engagement de la Turquie
Оn entend souvent parler du Génocide des Arméniens de 1915 grâce à la présence d’une forte communauté arménienne en France. Plus de cent ans après cette tragédie, l’État turc nie tout en bloc.
Pour les Arméniens, la reconnaissance du Génocide et sa condamnation par la Turquie n’est pas uniquement un devoir de mémoire ; ce serait avant tout un premier engagement de la Turquie qu’une telle chose ne puisse se reproduire.
Regardons la carte de la Turquie moderne : elle s’étale de la Méditerranée jusqu’aux frontières iraniennes, la Transcaucasie, la Syrie et l’Irak : un vaste espace de 783 000 km². Mais elle aurait pu être encore plus grande. Du moins c’est ce que les hommes politiques turcs croyaient dès la fin du XIXe siècle.
N’étant plus capable d’étendre son hégémonie vers l’Ouest, amputée de nombreux territoires appartenant naguère a l’Empire Ottoman, la Turquie du début du XXe siècle se retourne vers l’Est. Si seulement elle réussissait à unir sous son égide des peuples turcophones musulmans de l’Asie Centrale : Tatars du Caucase (actuellement Azéris), Turkmènes, Kazakhs, Ouzbeks, Kirghizes, Ouigours créant un espace uni et homogène, des vastes territoires allant de la Caspienne jusqu’à l’Ouest de la Chine lui appartiendrait alors. Elle serait la superpuissance eurasiatique non seulement en terme de superficie et d’habitants, mais aussi en terme de ressources naturelles importantes telles que les hydrocarbures.
Les Arméniens chrétiens, un barrage sur la voie de l’extension vers l’Est
Essaimés sur les 300 000 km² dans la partie Est de la Turquie, les Arméniens chrétiens étaient considérés comme un barrage sur la voie de l’extension vers l’Est. Ils étaient différents par leur culture, leur langue et leur religion. A partir de ce constat le sort des Arméniens était scellé : ils devaient disparaitre. Suite à un nettoyage ethnique déclenché en 1915 et poursuivi jusqu’en 1923, un million et demi d’Arméniens a disparu.
L’actuelle République d’Arménie a survécu principalement grâce au fait qu’elle faisait partie à l’époque de l’Empire russe, ensuite de l’URSS. Aujourd’hui cette république ne représente que 29000 km2 et 3 millions d’habitants, pour qui rien n’est gagné d’avance. Le comportement belliqueux de la Turquie depuis la dissolution de l’URSS et de son allié le plus proche, l’Azerbaïdjan, les positions des grandes puissances prouvent que cent ans plus tard rien n’a changé : les mêmes enjeux géopolitiques se heurtent dans cette région, la même menace pour l’Arménie d’être rayée de la carte.
Et donc la reconnaissance du génocide de 1915 par la Turquie et sa condamnation seraient en premier lieu un engagement de ce pays de ne plus recourir aux mêmes moyens pour atteindre ses objectifs géopolitiques. Un pays européen, l’Allemagne, l’a déjà fait en reconnaissant sa responsabilité dans le génocide juif.
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Juste une petite erreur sur la superficie de l’Arménie actuelle : 29000 km² et non 29…
Un grand bonjour à Irène rencontrée lors d’un voyage là-bas
Bonjour Jean-Baptiste,
Merci pour cette remarque, nous avons corrigé l’erreur.
A bientôt !